La généralisation de la facture électronique en France, prévue par la réforme e-invoicing, transforme en profondeur les processus de facturation entre entreprises. Elle s’appuie sur un nouveau schéma en Y, structuré autour du Portail Public de Facturation (PPF), de plateformes de dématérialisation partenaires (PDP), et de plateformes de dématérialisation non immatriculées (OD).
Alors que les entreprises s’interrogent sur les modalités pratiques de mise en conformité, de nombreuses idées reçues circulent, notamment autour du rôle des PDP. Voici un tour d’horizon des 10 fake news les plus fréquentes — et les réponses qu’il faut leur opposer pour y voir plus clair.
1. « Toutes les entreprises doivent devenir PDP »
C’est faux. Le statut de PDP n’est pas destiné à toutes les entreprises. Il s’agit d’un dispositif technique et réglementaire réservé aux prestataires qui souhaitent interagir directement avec l’administration fiscale. Pour être PDP, une plateforme doit obtenir une immatriculation officielle par la DGFiP, respecter des obligations strictes de sécurité, de confidentialité et de traçabilité, et garantir la transmission correcte des données.
Les entreprises assujetties à la TVA en France n’ont donc aucune obligation de devenir PDP. Elles peuvent soit transmettre leurs factures via le PPF, soit faire appel à un opérateur immatriculé qui assurera cette fonction pour elles.
2. « On ne peut avoir qu’une seule PDP »
Encore une fausse croyance. Une entreprise peut parfaitement recourir à plusieurs PDP, selon son organisation interne ou ses flux. Par exemple, une société multinationale pourra affecter une PDP différente pour chaque filiale, chaque entité comptable ou chaque type de flux (clients/fournisseurs).
Ce découpage est parfaitement accepté tant que l’administration peut reconstituer l’ensemble des échanges, via le PPF qui centralise les données.
3. « Une PDP est un logiciel de facturation »
Non. Une plateforme de dématérialisation partenaire (PDP) n’est pas un logiciel de facturation à proprement parler. Il s’agit d’une plateforme technique d’interopérabilité, dont la mission est de :
- convertir les factures dans un format structuré (UBL, CII, Factur-X),
- assurer la transmission au bon destinataire,
- gérer les statuts de cycle de vie de la facture (émise, déposée, rejetée, encaissée, etc.),
- extraire et transmettre les données exigées par l’administration.
La PDP intervient donc en complément de l’ERP ou du logiciel de facturation, qu’elle connecte au réseau national de facturation.
4. « Si je choisis une PDP, je suis automatiquement conforme »
C’est une confusion fréquente. Le fait de confier vos factures à un prestataire immatriculé PDP est un excellent point de départ, mais cela ne garantit pas à lui seul votre conformité.
L’entreprise reste responsable :
- de la qualité et de l’exhaustivité des données transmises,
- du respect des formats exigés,
- du traitement des statuts et du suivi des flux.
Une analyse complète de vos processus internes est donc nécessaire pour assurer une conformité globale.
5. « Les PDP stockent les factures pour toujours »
Non, et c’est un point important. La conservation légale des factures électroniques (6 à 10 ans selon les cas) n’est pas assurée par la PDP, sauf si elle propose un service d’archivage à valeur probante distinct.
Le rôle de la PDP est limité à la transmission et à l’interface avec le PPF. Il revient à chaque entreprise de s’assurer de l’archivage légal de ses documents, que ce soit en interne ou via un tiers archiveur certifié.
6. « Il faut attendre que toutes les PDP soient immatriculées pour agir »
C’est une erreur stratégique. Le cadre réglementaire, les formats attendus, les obligations fiscales et les mécanismes d’échange sont déjà définis. L’immatriculation des PDP se fait en continu, sur la base de critères connus et publiés.
Attendre reviendrait à perdre un temps précieux. Il est vivement recommandé de :
- cartographier ses flux de facturation,
- identifier ses besoins spécifiques,
- choisir une solution technique évolutive,
- lancer les premiers tests dès maintenant.
7. « Une PDP peut modifier le contenu de ma facture »
Non. Une PDP peut convertir un format technique (ex. PDF + XML vers Factur-X), mais elle n’a aucun droit de modifier les données fiscales ou comptables de la facture. Son rôle est strictement limité à la transmission conforme, sans altération du fond.
Le respect de l’intégrité des données est une obligation légale pour toutes les PDP immatriculées.
8. « Les PDP ont accès à toutes mes données sensibles »
C’est exagéré. Les PDP traitent uniquement les données nécessaires au respect de la réforme : mentions obligatoires, montant HT/TVA, destinataire, SIREN, etc. Elles sont tenues de respecter des exigences très strictes de confidentialité, de sécurité et de contrôle d’accès, sous l’autorité de la DGFiP.
Par ailleurs, les PDP doivent faire l’objet d’un audit de sécurité et démontrer leur conformité avant d’être immatriculées.
9. « Je n’ai plus besoin de mon ERP si j’ai une PDP »
Faux. La PDP n’a pas vocation à remplacer vos outils de gestion interne. Elle agit comme un intermédiaire entre votre système d’information et les autres acteurs de la réforme.
L’ERP reste la colonne vertébrale de votre comptabilité, de vos processus de validation, et de votre production de factures. La PDP s’insère en complément, dans une logique d’interopérabilité.
10. « Changer de PDP, c’est trop complexe »
Non, ce n’est pas irréversible. L’administration a prévu des procédures encadrées pour permettre aux entreprises de changer de PDP si nécessaire. Il est possible de notifier un changement de PDP, avec une gestion progressive de la transition pour éviter toute interruption de service.
Il est conseillé de choisir une PDP interopérable, bien documentée, et ouverte aux évolutions, afin de garantir une flexibilité maximale.
En conclusion
Face à une réforme structurante comme celle de la facturation électronique obligatoire, il est essentiel de distinguer les idées reçues des réalités techniques et réglementaires. Le choix d’une PDP est un levier stratégique pour réussir sa mise en conformité, mais il doit s’inscrire dans une réflexion plus large : flux internes, gestion des données, sécurité, archivage, interopérabilité.
En vous entourant des bons partenaires et en anticipant les étapes clés, vous pouvez aborder cette transition avec sérénité — et en tirer des bénéfices concrets : automatisation, réduction des délais de paiement, meilleure traçabilité, et conformité fiscale renforcée.